Outre les arrêts précédemment commentés du 10 septembre dernier, la chambre sociale de la Cour de cassation a également rendu une décision conciliant la vie personnelle, la liberté d’expression et la liberté religieuse.
Dans les faits d’espèce, une salariée, agente de service intérieur au sein d’une association spécialisée dans la protection de l’enfance est licenciée pour faute simple pour avoir remis une bible à une jeune fille prise en charge par l’association lors de son hospitalisation. Ce licenciement intervient après que la salariée ait été sanctionné à deux reprises pour des faits similaires : avoir remis des bibles à des jeunes filles accueillies et chanté des chants religieux pendant son travail.
Ces faits d’espèce posaient plusieurs difficultés.
– Le rattachement à vie personnelle
Sa salariée s’étant déplacée à l’hôpital pour visiter la jeune femme accueillie, les faits à l’origine du licenciement s’étaient déroulés hors du lieu de travail. Dès lors, la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur un rattachement des faits à la vie personnelle ou professionnelle de la salariée.
La Cour de cassation juge de manière constante qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 21-11.330). De plus un fait relevant de la vie personnelle, même s’il occasionne un trouble dans l’entreprise, ne peut pas justifier un licenciement de nature disciplinaire (Cass. Soc., 9 mars 2011, n° 09-42.150).
Pour l’avocate générale, les faits d’espèce devaient être rattachés à la vie professionnelle et donc pouvaient être sanctionnés car « elle reproduit un comportement, déjà sanctionné à deux reprises, à l’égard d’une jeune mineure qu’elle a connu lors de son travail et qu’elle va volontairement visiter à l’hôpital ».
La Cour de cassation, ne suit pas cet avis et juge au contraire : « que la salariée, agente de service et non éducatrice, avait pris l’initiative de se déplacer à l’hôpital où la mineure avait été admise pour lui remettre une bible, ce dont il résultait que les faits reprochés par l’employeur étaient intervenus en dehors du temps et du lieu du travail de la salariée et ne relevaient pas de l’exercice de ses fonctions professionnelles »
– La liberté d’expression et la liberté religieuse
Le règlement intérieur de l’Association accueillant des mineurs, dont des étrangers isolés, fragiles et influençables qui s’adresse à des personnes particulièrement vulnérables, prévoyait une clause de neutralité religieuse. La salariée, au soutien de son pourvoi, expliquait que la remise de la bible et les propos tenus s’inscrivaient dans le cadre de l’exercice de la liberté d’expression et de la liberté religieuse du salarié en dehors de l’entreprise.
L’article L.1121-1 du Code du travail prohibe les discriminations en raison des convictions religieuse. De plus, il est de jurisprudence constante que : « sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché peuvent être apportées » (Cass. Soc., 28 avril 2011, n° 10-30.107). La violation d’une telle liberté constitue un motif contaminant au sens de la jurisprudence : « le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement » (Cass. Soc., 29 juin 2022, n° 20-16.060).
La Cour de cassation accueille le moyen de la salariée retient que les faits relèvent dans sa vie personnelle de l’exercice de sa liberté religieuse, dès lors que licenciement prononcé est discriminatoire et encourt la nullité.
(Cass. Soc, 10 septembre 2025, 23-22.722)