Dans un arrêt rendu le 27 mai 2025, la Cour de cassation confirme que la requalification d’un contrat d’intérim en CDI n’exclut pas, en cas de licenciement nul, le droit pour le salarié à être réintégré dans l’entreprise de travail temporaire (ETT) et ce, même si la spécificité juridique du travail intérimaire est invoquée pour s’y opposer.
Le litige opposait un salarié intérimaire à une ETT. Ce dernier avait été employé comme manœuvre pour des missions successives, jusqu’à la survenance d’un accident du travail en janvier 2018, à la veille de la fin prévue de sa dernière mission. La rupture du contrat, intervenue pendant la suspension liée à l’accident, a conduit le salarié à saisir la justice pour obtenir la requalification de ses contrats en CDI et faire juger le caractère nul de cette rupture.
La cour d’appel avait accueilli la demande de requalification, mais avait rejeté celle portant sur la réintégration du salarié, estimant que la « nature spécifique » des contrats d’intérim, fondés sur une relation triangulaire entre ETT, salarié et entreprise utilisatrice, faisait obstacle à cette possibilité.
La Cour de cassation rejette cette position. Elle rappelle que lorsqu’un licenciement est jugé nul, notamment en cas de méconnaissance d’une protection légale (ici, celle liée à l’accident du travail), le salarié a droit à sa réintégration, sauf impossibilité matérielle dûment établie (Art. L. 1235-3-1 du Code du travail).
Or, selon la Haute juridiction, la seule spécificité des contrats d’intérim ne constitue pas une telle impossibilité. Autrement dit, la structure même du travail temporaire ne saurait justifier un refus automatique de réintégration :
« En statuant ainsi, alors que la nature juridique des contrats de mission requalifiés en contrat à durée indéterminée ne caractérise pas, à elle seule, une impossibilité matérielle pour l’entreprise de travail temporaire de réintégrer le salarié dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Cet arrêt marque un rappel fort : les salariés dont les contrats d’intérim sont requalifiés en CDI bénéficient des mêmes protections que tout salarié en CDI. En cas de licenciement nul, leur réintégration ne peut être refusée qu’à la condition d’une véritable impossibilité matérielle, et non sur la base d’arguments purement juridiques liés à la nature du contrat.
Au cas d’espèce, l’affaire devrait être rejugée par une Cour d’appel. Si, à cette occasion, l’ETT ne justifie pas d’une impossibilité matérielle de réintégration, la demande de réintégration du salarié pourrait donc être accueillie.
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