Depuis les arrêts du 13 septembre 2023 (Cass. soc., 13 sept. 2023, n°22-17.340 et n°22-17.638), le droit aux congés payés est au cœur de l’actualité législative et jurisprudentielle, la Cour de cassation ayant entrepris de se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne, en consacrant notamment l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt maladie et en aménageant les règles de report.
Dans cette dynamique, elle a récemment reconnu, par un arrêt du 10 septembre 2025 (n°23-22.732), le droit pour le salarié tombant malade au cours de ses congés de reporter ceux-ci à une date ultérieure (cf. notre actualité du 11 septembre 2025).
C’est dans ce contexte que s’inscrit une autre décision rendue le même jour, qui opère cette fois un revirement de jurisprudence quant à l’incidence des congés payés sur le calcul des heures supplémentaires.
Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision, trois salariés ayant travaillé 38,5 heures par semaine en exécution d’une convention de forfait en heure irrégulière ont saisi la justice pour obtenir de leur employeur le paiement des 3,5 heures supplémentaires effectuées chaque semaine.
La cour d’appel a condamné l’employeur à payer aux salariés ces heures supplémentaires en ne tenant toutefois pas compte, pour calculer la somme d’argent à leur verser, des semaines au cours desquelles ces salariés avaient pris des jours de congé payé.
Pour rappel, en effet, en droit français, le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne tenant compte que du temps de travail « effectif », les jours de congé payé ou de maladie doivent être exclus de ce calcul, ainsi que le jugeait de façon constante la Cour de cassation (Cass. soc. 1er décembre 2004, n°02-21.304 ; Cass. soc. 25 janvier 2017, n°15-20.692).
Une telle position n’est toutefois pas conforme au droit de l’UE, selon lequel toute mesure pouvant dissuader un salarié de prendre ses congés payés est interdite.
Aux termes d’un arrêt rendu le 13 janvier 2022, La Cour de justice de l’Union européenne avait ainsi jugé que « l’article 7 § 1 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lu à la lumière de l’article 31 § 2 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies » (CJUE, 13 janv. 2022, nº C-514/20).
Afin de se mettre en conformité avec cette décision, la Cour de cassation a jugé, dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt précité du 10 septembre 2025, « qu’il convient (…) d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L.3121-28 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine ».
En d’autres termes, désormais, pour les salariés soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, les jours de congés payés doivent être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires, et le salarié peut donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires même si, du fait de son congé payé, il n’a pas réalisé 35 h de travail effectif.
A noter que, selon la notice au rapport annuel jointe à l’arrêt, « la solution dégagée reste circonscrite au décompte hebdomadaire de la durée du travail qui était appliqué dans l’espèce […] et ne préjuge pas de la solution quant aux autres modes de décompte de la durée du travail puisque la solution énoncée par la Cour de justice de l’Union européenne repose sur l’effet potentiellement dissuasif du système de détermination des heures supplémentaires applicable en droit interne sur la prise du congé payé par le salarié ».
Il faudra donc attendre d’autres décisions afin de savoir si la Cour de cassation entend étendre cette solution nouvelle à d’autres modes de décomptes de la durée du travail.
https://www.courdecassation.fr/decision/68c13312021d8d629a161216