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L’astreinte peut constituer du temps de travail effectif lorsque les contraintes imposées au travailleur sont excessives

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Aux termes de l’article L.3121-1 du Code du travail, « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ».

 

Selon l’article L. 3121-5 du même code, « constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ».

 

La Cour de justice de l’Union européenne juge que relève de la notion de « temps de travail effectif », au sens de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une période de garde déterminée n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du “temps de travail”, aux fins de l’application de la directive 2003/88 (CJUE 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38).

Dans un arrêt du 21 juin 2023, la Cour de cassation rappelle que les périodes d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts, constituent du temps de travail effectif (Cass. soc. 21 juin 2023, n° 20-21.843).

Dans cette espèce, les ayants droit d’un salarié avaient formé des demandes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs et de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

 

Ils faisaient valoir que ce salarié, employé en qualité de dépanneur autoroutier et assurant, avec un seul de ses collègues, l’exécution des engagements de son employeur de dépannage ”24/24, 7 jours sur 7” et 365 jours par an, effectuait de très nombreuses périodes de permanence au cours desquelles, en qualité de titulaire ou de suppléant lorsque le titulaire était déjà en dépannage, il devait garder sur lui, nuit et jour, semaine et week-end compris, un téléphone de permanence afin d’être en mesure, avec son véhicule de dépannage garé devant son domicile, d’intervenir immédiatement afin d’assurer le dépannage en urgence, dans un délai de 30 mn maximum à compter de l’appel, ce délai comprenant le temps de trajet nécessaire pour se rendre sur le lieu du dépannage.

Les ayants droit ajoutaient et démontraient à titre d’exemples qu’au cours de plusieurs mois (avril 2013, janvier 2012, mai 2012, juin 2012) outre ses horaires de travail pendant la semaine, le salarié avait travaillé tous les samedis, les dimanches et jours fériés (ou la plupart d’entre eux) et la plupart des nuits, et qu’au cours de ces périodes de permanence, il effectuait un très grand nombre de dépannages au regard de l’importance des secteurs autoroutiers que lui et son collègue devaient couvrir.

 

Pour débouter les ayants droit du salarié de leurs demandes et conclure qu’en l’espèce, les « astreintes » ne constituaient pas du temps de travail effectif, la cour d’appel affirmait :

 

–      que les ayants droit ne rapportaient pas la preuve que le salarié était, pendant les astreintes, à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles,

–      qu’au contraire, il réalisait ses astreintes à son domicile où il pouvait vaquer à ses occupations personnelles et seuls ses temps d’intervention constituaient du temps de travail effectif.

 

Au visa des articles du Code du travail et de la jurisprudence de la CJUE précitées, la Haute juridiction, dans sa décision du 21 juin 2023, a cassé l’arrêt de cour d’appel pour manque de base légale :

 

« En se déterminant ainsi, alors que les ayants droit du salarié invoquaient le court délai d’intervention qui était imparti au salarié pour se rendre sur place après l’appel de l’usager, sans vérifier si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d’astreinte, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

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