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Usage de la carte carburant à des fins personnelles : quelles possibilités de recouvrement pour l’employeur ?

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Lorsqu’un salarié bénéficie d’un véhicule de fonction, le principe est clair : il est libre de l’utiliser pour effectuer des déplacements personnels. Il en conserve également l’usage, sauf stipulation contraire, pendant une période de suspension du contrat de travail (Cass. soc., 24 mars 2010, n°08-43.996).

En revanche, l’usage à titre personnel de la carte carburant remise au salarié n’est pas garanti et bon nombre de contrats de travail prévoit que son utilisation est strictement limitée à des fins professionnelles, de sorte qu’elle ne peut être utilisée pendant les congés, week-ends et périodes de suspension du contrat de travail. Cette pratique peut notamment constituer un indice en faveur de l’absence de qualification en avantage en nature (sur ce point : BOSS, Avantages en nature, §700).

Mais qu’en est-il lorsque le salarié contrevient à cette obligation et utilise la carte pendant une période non travaillée ? L’employeur est-il fondé à procéder à une retenue sur salaire ? Doit-il s’en tenir à une sanction disciplinaire ?

Aux termes de l’article L.3251-1 du Code du travail, « l’employeur ne peut opérer une retenue sur salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses ». Par exception, il est notamment possible d’opérer une telle retenue afin de réaliser une compensation entre le montant des salaires et des sommes dues à l’employeur au titre d’instruments et outils nécessaires au travail (C. trav., art. L. 3251-2).

Des juges du fond ont pu juger que l’achat de carburant ne rentrait pas dans le cadre de l’exception ci-avant précisée, de sorte que l’employeur n’était pas fondé à opérer une compensation (Montpellier, 10 septembre 2002, n°01-1349). En même sens, s’agissant du dépassement d’un forfait téléphonique attaché au téléphone professionnel, il a été jugé que la retenue d’une somme au seul motif du dépassement du forfait constituait une sanction pécuniaire illicite (Cass. soc., 15 mai 2014, n°12-30.148).

En revanche, s’agissant de frais de carburant, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée spécifiquement sur la question de la retenue sur salaire. Elle a seulement jugé que « la fourniture d’une carte permettant d’obtenir deux cents litres d’essence par mois, substituée à la participation de l’employeur aux frais engagés par la salariée pour l’exercice de ses fonctions, constitue un avantage en nature et sa suppression en raison d’une utilisation à des fins non-professionnelles une sanction pécuniaire prohibée » (Cass. soc., 23 juin 2010, n°09-40.825)

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Dans une décision plus récente, la Cour d’appel de Paris a, pour sa part, jugé que la retenue sur salaire était justifiée dès lors que le salarié avait utilisé sa carte carburant à des fins personnelles en dehors des heures de travail (Paris, 14 juin 2022, n° 20/04859).

Toutefois, compte tenu de la rédaction des textes et de la jurisprudence précitée, la recours à une retenue sur salaire pourrait faire l’objet d’une contestation dès lors qu’elle s’apparenterait à une sanction pécuniaire, l’usage de la carte carburant pendant la période non travaillée – sans autorisation – constituant une faute.

Dans ces conditions, de quelle marge de manœuvre dispose l’employeur ?

Il peut, sans aucun doute, sanctionner le ou la salariée (par exemple : Paris, 10 décembre 2004, n°03/35731).

Il peut également écrire au salarié ou à la salariée afin de lui demander le remboursement des dépenses de carburant effectuées pendant les périodes non travaillées. Il est alors recommandé de formaliser l’accord afin d’éviter toute contestation par la suite.

Encore faut-il parvenir à cet accord…

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