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Obligation pour l’employeur de prendre en charge une partie du coût des abonnements aux transports publics pour les trajets résidence habituelle/lieu de travail, quel que soit l’éloignement géographique du domicile

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En l’espèce, une société refusait de rembourser les frais de transport de salariés dont le domicile était situé à plus de deux heures de leur lieu habituel de travail.

 

L’employeur justifiait sa position par l’application de l’accord télétravail qui ne prévoit pas de jour fixe et permet au manager de demander à ses équipes de venir sur site quand nécessaire et par le fait que la Direction n’est pas favorable au remboursement des déplacements des salariés qui ont décidé de façon unilatérale de s’installer loin de Paris et de bénéficier de coûts de la vie inférieurs à ceux constatés en Ile de France.

 

Le CSE a alors intenté une action en justice relative au remboursement des fais de transports, fondée sur une inégalité de traitement entre les salariés, afin d’enjoindre à l’employeur de respecter ses obligations.

 

Le CSE et les syndicats ont notamment fait valoir que :

 

  • en application des dispositions des articles L.3261-2 et R.3261-1 du code du travail, l’employeur doit prendre en charge 50 % du prix des titres d’abonnement souscrits par le salarié pour ses déplacements accomplis au moyens de transports publics entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, tandis qu’il existe un usage au sein de la Société qui prévoit des modalités plus avantageuses en terme de quantum soit un remboursement à hauteur de 60% ;

  • en refusant à certains salariés le remboursement des frais de transport au motif de l’éloignement géographique excessif du domicile eu égard à leur lieu de travail, les sociétés de l’UES contreviennent aux dispositions légales et à l’usage en vigueur au sein du l’UES, instaurant une différence de traitement entre les salariés qui n’est pas justifiée et portant atteinte de manière illégitime à la liberté du salarié d’établir son domicile au lieu de son choix.

  • l’accord télétravail ne prévoit aucune restriction quant au lieu d’implantation du domicile des salariés.

Les sociétés de l’UES ont, quant à elles, soutenu :

 

  • que le législateur a créé une obligation de prise en charge des frais de transport public région par région, sans envisager les déplacements interrégionaux. Par conséquent, les dispositions légales ne sauraient être détournées au profit de salariés souhaitant s’éloigner de leur de travail pour convenance personnelle et imposer le financement de leur choix personnel à l’employeur, à moins que cette domiciliation ne résulte de contraintes liées à l’emploi ou familiales ;

  • être en droit de limiter la prise en charge partielle des frais de transport aux salariés résidant dans une autre région que la région parisienne et dont le temps de trajet entre leur domicile et leur lieu de travail est supérieur à 2 heures de transport en train, sans que ce refus ne porte atteinte au libre choix du domicile par le salarié.

Aux termes d’un jugement du 5 juillet 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a constaté que les sociétés ont instauré un critère d’éloignement géographique entre la résidence habituelle et le lieu de travail des salariés (trajet Paris/Province inférieurs à 4 heures par jour A/R) afin de refuser de rembourser les frais de transports en commun des salariés, critère qui n’est pas prévu par la loi ou le règlement, ni par les conventions applicables au sein de l’entreprise.

 

Le Tribunal souligne que les sociétés ne peuvent pas se fonder sur l’accord télétravail afin de justifier l’ajout d’une condition d’éloignement géographique de la résidence habituelle du salarié lui permettant de refuser la prise en charge des frais de transports en commun.

 

Par ailleurs, la loi fait uniquement référence à la prise en charge des frais de transports pour « les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail », sans aucune référence à un déplacement au sein d’une même région ni d’exclusion des déplacements effectués entre deux régions distinctes. Ainsi, au sens de la loi, le seul critère déterminant la prise en charge des frais de transport est celui de la résidence habituelle des salariés, qui est apprécié souverainement par les juges du fond à partir de la définition qui lui a été donnée par la jurisprudence.

 

Les sociétés ne peuvent donc pas alléguer l’éloignement géographique pour convenance personnelle du salarié afin de refuser le remboursement des frais de transports en commun. Elles ne peuvent davantage soutenir que les salariés de l’entreprise ne se trouveraient pas dans une situation identique eu égard à l’avantage de frais de transports au motif de la disparité du coût de la vie entre l’Ile de France et la province, ce qui ne saurait constituer une raison objective et pertinente vis à vis de l’avantage considéré.

 

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le Tribunal a considéré qu’en conditionnant le remboursement des frais de transports en commun à un critère d’éloignement géographique, l’employeur a méconnu ses obligations légales régies par les articles L.3261-2 et R.3261-1 et suivants du code du travail. Ce faisant, il a institué entre les salariés une différence de traitement qui prive une partie des salariés du remboursement des frais de transports.

 

Il a, par conséquent, ordonné aux sociétés composant l’UES de respecter l’obligation de remboursement du coût des abonnements aux transports publics souscrits pour les trajets résidence habituelle/lieu de travail conformément au code du travail et à l’usage interne (fixant le quantum) sans distinction en raison d l’éloignement de la résidence habituelle des salariés et de les condamner à régulariser les droits des salariés.

 

Il convient de souligner que le Tribunal s’est notamment fondé sur :

 

  • la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass. soc.12 décembre 2012, n°11-25.089 et Cass. soc.12 novembre 2020 n°19-14.818) selon laquelle l’article L.3261-2 du code du travail impose aux employeurs la prise en charge partielle du prix des titres d’abonnement en transport en commun souscrits par leurs salariés pour effectuer leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, sans distinguer selon la situation géographique de cette résidence.

  • Le bulletin officiel de la sécurité sociale qui confirme que le critère de l’éloignement géographique n’est pas justifié au titre de la prise en charge des frais de transports en commun, dès lors qu’il prévoit en son paragraphe 530 que tous les salariés bénéficient de la prise en charge obligatoire des frais de transport domicile/lieu de travail, « quel que soit leur lieu de résidence et leur lieu d’emploi », « cette obligation étant de portée générale, les salariés dont l’éloignement de la résidence habituelle du lieu de travail relève de la convenance personnelle doivent bénéficier de la prise en charge obligatoire ».

Cette position, qui n’est pas contestable juridiquement, apparait sévère pour l’employeur qui serait contraint de prendre en charge une partie des frais de transport publics engagés par le salarié, pour effectuer les trajets domicile/lieu de travail, quel que soit le lieu de résidence du salarié qui pourrait librement être établi à des centaines de kilomètres de son lieu de travail…

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