Bruxelles – 18 juin 2025 : La Commission européenne a décidé d’ouvrir une procédure d’infraction contre la France pour manquement aux obligations découlant du droit de l’Union, en matière de temps de travail. Le manquement visé concerne spécifiquement le droit des travailleurs malades pendant leurs congés payés.
Le grief : la non-conformité du droit français à la directive sur le temps de travail
Selon le communiqué de presse publié le 18 juin 2025, la Commission reproche à la France de ne pas garantir, dans sa législation nationale, que « les travailleurs qui tombent malades pendant leur congé annuel puissent récupérer ultérieurement les jours de congé annuel qui ont coïncidé avec leur maladie ».
Cette exigence découle directement de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. La directive prévoit un droit au congé annuel payé minimal de quatre semaines et précise, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), que ce droit ne peut être affecté par une période de maladie.
Une position constante de la CJUE
La position adoptée par la Commission s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment de l’arrêt Schultz-Hoff (C-350/06 et C-520/06), selon lequel les salariés continuent d’acquérir des droits à congés payés durant les périodes de maladie. Cette interprétation fait désormais pleinement partie de l’acquis communautaire en matière de santé et de sécurité au travail.
Plus précisément, dans une décision rendue le 21 juin 2012 (affaire Anged C-78/11) à propos du droit espagnol, dans le contexte d’un congé annuel coïncidant avec un congé de maladie, la CJUE a jugé que la directive 2003/88 « s’oppose à des dispositions nationales prévoyant qu’un travailleur, en incapacité de travail survenue durant la période de congé annuel payé, n’a pas le droit de bénéficier ultérieurement dudit congé annuel coïncidant avec la période d’incapacité de travail ». Elle a expressément précisé que « le moment où est survenue ladite incapacité est dépourvu de pertinence ». Autrement dit, que la maladie survienne avant ou pendant le congé, le salarié a droit au report de ses congés payés.
Or, en France, aucune disposition légale ne prévoit explicitement la possibilité pour un salarié de reporter ses congés payés dans une telle hypothèse, à moins que cela ne soit prévu par un accord collectif ou par la jurisprudence.
Selon la Commission européenne, cela constitue un manquement aux obligations issues de la directive.
Une lettre de mise en demeure et un compte à rebours de deux mois
La lettre de mise en demeure adressée par la Commission marque la première étape de la procédure d’infraction prévue à l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La France dispose désormais d’un délai de deux mois pour répondre aux observations de la Commission et prendre les mesures nécessaires pour se conformer au droit de l’Union.
À défaut de réponse satisfaisante, la Commission pourra adresser un avis motivé, seconde étape du processus, et, in fine, saisir la CJUE.
Cette procédure d’infraction pourrait déboucher sur une évolution du droit interne, par l’introduction d’une disposition législative consacrant explicitement le droit au report des congés payés en cas de maladie, à l’instar de ce qui est déjà prévu dans plusieurs autres États membres de l’Union.
À défaut d’une intervention du législateur, la Cour de cassation pourrait être amenée à se prononcer afin d’assurer la conformité du droit français aux exigences européennes.
https://europa.eu/newsroom/ecpc-failover/pdf/inf-25-1241_fr.pdf