Le Comité social et économique (CSE), comme le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) autrefois, peut faire appel à un expert habilité lorsqu’il est informé et consulté sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-94).
La notion de projet important n’a pourtant jamais été définie par les textes, laissant le soin aux juges d’en déterminer les critères d’appréciation.
La charge de la preuve de l’existence d’un projet important revient au CSE (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-22.969, rendu à propos de la CHSCT).
Il résulte de la jurisprudence que le projet soumis au CSE est susceptible d’être qualifié d’important notamment lorsqu’il emporte des modifications importantes dans les conditions de santé ou de travail des salariés concernés (Cass. soc., 14 mars 2018, n° 16-27.683). Tel est le cas lorsque le projet implique que les personnels au sol des pôles clients soient équipés de tablettes numériques, utilisent une application spécifique et suivent une formation dédiée, et qualifié de “projet d’entreprise” par l’employeur, notamment en ce qu’il encourage le nomadisme au détriment de postes sédentaires, il emporte des modifications importantes dans les conditions de santé ou de travail des salariés concernés.
À défaut, et quand bien même un grand nombre de salariés soit concerné par le projet, la qualification de projet important ne peut être retenue, de sorte que le comité ne peut prétendre bénéficier d’un droit à expertise (Cass. soc., 10 février 2010, n° 08-15.086).
Dans un arrêt du 8 novembre 2023, la Cour de cassation était de nouveau appelée à se prononcer sur la notion de « projet important ».
En l’espèce, La Poste avait consulté les représentants du CHSCT sur un projet de réorganisation des plateformes de distribution du courrier sur plusieurs localités. Dans le cadre de cette consultation, le CHSCT avait pris une délibération aux termes de laquelle : « Les membres du CHSCT au vu des renseignements donnés par la direction ne peuvent rendre un avis éclairé. Les membres du CHSCT après un vote qui a rendu un avis favorable à l’unanimité, demandent une expertise dans le cadre de la réorganisation des Plateformes de distribution. ».
La Poste avait alors saisi le Tribunal judiciaire d’une demande d’annulation de cette délibération. Le Tribunal a débouté La Poste de sa demande et celle-ci a formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation confirme la décision de première instance, le président du Tribunal ayant retenu que « ce projet prévoyait la mise en place d’une nouvelle pause méridienne, la comptabilisation du temps passé et des modifications managériales, le fait que la réorganisation souhaitée concernée un nombre important de salariés et, dès lors, l’existence d’un projet important modifiant les conditions de travail de travail des salariés » (Cass. soc., 8 novembre 2023, n° 22-19.828).
Ainsi, conformément à la jurisprudence antérieure, la Cour retient l’existence d’une modification des conditions de travail pour un nombre important de salariés concernés pour qualifier l’existence d’un projet important.