Par un arrêt rendu le 29 avril 2025 (n°23-20.501), la Cour de cassation fournit une nouvelle illustration de la réparation du préjudice d’anxiété en cas de transfert du contrat de travail et d’employeurs successifs.
Au cas d’espèce, un salarié a travaillé dans la même usine en tant que soudeur, mais successivement pour plusieurs sociétés, entre avril 1981 et mars 2013. Il a saisi la juridiction prud’homale en mai 2013, notamment en indemnisation d’un préjudice d’anxiété et d’un préjudice lié au bouleversement subi dans ses conditions d’existence.
Le Conseil de prud’hommes a accueilli la demande du salarié, tout comme la Cour d’appel de Douai, qui ont considéré que :
- l’article L.1224-2 du Code du travail n’emportait pas substitution mais adjonction de débiteurs en vue d’offrir une garantie supplémentaire aux salariés transférés, ce dont il résultait que pour les dettes antérieures au transfert, le salarié pouvait agir indifféremment contre le nouvel employeur ou contre l’ancien, les deux étant tenus in solidum des conséquences des manquements du cédant aux obligations résultant du contrat de travail ;
- au cas particulier, le salarié ne pouvait mettre en cause que le dernier employeur, étant précisé que celui-ci pouvait se faire rembourser par l’employeur précédant la fraction des sommes correspondant à la période antérieure au transfert représentant le temps pendant lequel le salarié était à son service ;
- l’amiante ayant été utilisée sous différentes formes de 1977 à 1991 mais aucun élément ne permettait de justifier de l’utilisation de l’amiante après 1991, de sorte que la part de la responsabilité du précédant employeur devait être limitée à 10% au vu de la durée d’utilisation de l’amiante, étant mis à la charge du dernier employeur.
La Cour de cassation casse cet arrêt d’appel et rejette l’argumentaire des juges du fond.
Selon la Haute juridiction, les juges avaient relevé que jusqu’au 1er septembre 1988, le salarié n’était pas en mesure d’être suffisamment informé sur les risques auxquels il avait été exposé dans sa vie professionnelle pour en avoir une conscience libre et éclairée, et que le contrat de travail avait été transféré au nouvel employeur à cette date, de sorte que le préjudice d’anxiété du salarié était né après ce transfert.
Ainsi, la Cour pose comme principe que « le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l’amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance de ce risque par les salariés. Il naît, pour le salarié qui ne bénéficie pas de l’allocation de cessation anticipée d’activité prévue par l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, à la date à laquelle celui-ci a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante »
Par conséquent le préjudice d’anxiété est lié à la connaissance du risque par le salarié, et le cédant peut ne pas être responsable des condamnations si cette connaissance est postérieure au transfert.
https://www.courdecassation.fr/decision/6811bc2012a37cea68763dde