Pour la première fois, la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 décembre 2022, a jugé que l’apposition d’une signature manuscrite numérisée ne valait pas absence de signature dès lors que son auteur pouvait être parfaitement identifié et qu’il était habilité à signer (Cass. soc., 14 décembre 2022, n°21-19.841).
En l’espèce, un salarié avait été engagé suivant contrat à durée déterminée (CDD) saisonnier. Le lendemain de son engagement, il a « pris acte » de la rupture du contrat de travail estimant que le lien de confiance était rompu du fait de la transmission pour signature d’un contrat de travail comportant une signature de l’employeur photocopiée et non manuscrite. Il a ensuite saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande de requalification du CDD en contrat à durée indéterminée et de diverses demandes se rapportant à la rupture du contrat.
Le litige a été porté devant la Cour d’appel d’Angers, laquelle a débouté le salarié de ses demandes aux motifs que :
- l’apposition sur le contrat de l’image numérisée de la signature n’équivalait pas à une absence de signature et n’affectait pas la validité formelle du contrat ;
- qu’il n’était pas contesté que la signature était celle du gérant, lequel était habilité à signer le contrat, peu important le procédé technique utilisé dès lors que le représentant légal de la société pouvait clairement être identifié.
Le salarié a formé un pourvoi en cassation. Au soutien de ses demandes, il relevait qu’une signature manuscrite scannée n’est ni une signature originale, ni une signature électronique et n’a aucune valeur juridique. Or, aux termes de l’article L.1242-12 du Code du travail, le CDD « est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. ». Et, selon une jurisprudence constante, en l’absence de la signature de l’une des parties au contrat, le CDD n’est pas considéré comme ayant été établi par écrit, de sorte qu’il est réputé conclu pour une indéterminée (Cass. soc., 16 mars 2022, n°20-22.676).
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Après avoir rappelé les termes de l’article L.1242-12 précité, elle approuve la Cour d’appel, laquelle « après avoir énoncé que l’apposition d’une signature sous forme d’une image numérisée ne pouvait être assimilée à une signature électronique au sens de l’article 1367 du code civil et constaté qu’il n’était pas contesté que la signature en cause était celle du gérant de la société et permettait parfaitement d’identifier son auteur, lequel était habilité à signer un contrat de travail, en a exactement déduit que l’apposition de la signature manuscrite numérisée du gérant de la société ne valait pas absence de signature, en sorte que la demande de requalification devait être rejetée. ».
Se pose la question de la portée de cette solution : est-elle susceptible d’être transposée à l’ensemble des actes conclus entre un employeur et un salarié ?
De prime abord, la réponse devrait être positive. En effet, bien que cette solution soit pour la première fois retenue en matière de droit du travail, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, en matière de sécurité sociale, a déjà jugé à plusieurs reprises que « l’apposition sur la contrainte d’une image numérisée d’une signature manuscrite ne permet pas à elle seule, de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte » (Cass. civ. 2ème, 28 mai 2020, n°19-11.744 ; Cass. civ., 2ème, 12 mai 2021, n°20-10.584).
Ainsi, la Cour de cassation semble, de manière générale, faire preuve d’une certaine souplesse s’agissant de l’appréciation de la validité des signatures numérisées.